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Taille du verger : le moment de vérité

Ces jours de février ensoleillés sont des jours bénis pour la taille. Une fenêtre de quatre jours sans pluie et copieusement arrosés de rayons s’ouvre à nous. Un coup de sécateur direz-vous ? Pas si simple !

Avant de dégainer nos instruments, il est primordiale d’observer et d’éduquer son œil. Tout commence par là : apprendre à discerner. Après un premier tour d’horizon, on constate des traces de chancre sur pas mal d’arbres et d’arbustes. Sur certaines variétés de framboisier (particulièrement Fallgold), nous avons identifié un phénomènes de dessèchement de canes (leptosphaeria coniothyrium). Et pour tous, petits et grands : un besoin de rabattage sur les charpentières, d’éliminations des petits rameaux chétifs et improductifs, des gourmands et drageons à ôter. Bref, les raisons ne manquent pas.

gourmands abricotier
Gourmands sur abricotier

Récapitulatif général des (énooooormes) intérêts de la taille d’hiver, en quatre points :

1. Favoriser la structuration des arbres et arbustes en vue de la fructification

La taille de fructification est un monde en soi, un art à part entière. On peut en rappeler quelques grands principes :

  • Elle vise à orienter la croissance de l’arbre et la distribution de la sève dans le but de favoriser une architecture ramifiée la plus apte à porter des fruits en quantité.
  • La taille génère chez l’arbre une réaction issue de l’afflux de sève au point de taille.
  • Cette réponse de l’arbre diffère selon les organes à proximité : bourgeons à fleur (dards, bourses), bourgeons à bois.

On peut ainsi accélérer la mise à fruit et favoriser les rendements. Il est évident que chaque type de taille de fructification est adaptée à la réponse physiologique de la plante : on ne taille pas les pommiers et les framboisiers de la même manière ! En outre, la taille d’hiver est parfois à complémenter par une taille d’été (pincements).

Pour les maloidae (pommier, poirier), on peut simplifier le schéma en distinguant trois types de bois et ramifications. Le tronc, duquel partent des charpentières, sur lesquelles poussent de petites branches appelées coursonnes qui porteront l’essentiel des fruits.

Pour l’amélanchier, le schéma est quasi similaire. Croisez-le avec une taille de cassis et le tour est joué ! Chaque drageon est comme une charpentière qui va naturellement (ou grâce à la taille) développer à partir de sa deuxième ou troisième année des rameaux horizontaux (comme des coursonnes) qui porteront des fruits.

fuits amelanche 2018
Le mûrissement des amélanches en juin 2018

On ne se répandra pas plus ici sur un sujet tellement vaste, complexe et passionnant. Une chose est sûre : on ne peut pas en faire l’économie pour s’assurer de belles récoltes.

2. Prévenir l’apparition des maladies par la mise en place de ports aérés et la suppression des rameau morts

Le secret pour éviter les maladies au verger ? De l’air et du soleil… 

En effet, l’action conjointe de la ventilation et des rayons jusqu’au cœur de l’arbre est la meilleure stratégie de long terme. En réduisant l’humidité, une grande partie des maladies fongiques peuvent être ainsi prévenues. Les chancres apprécient particulièrement les milieux humides, c’est pourquoi l’on recommande toujours de tailler par beau temps. Il suffit bien souvent d’une plaie sur l’écorce, que ce soit la taille, le gel ou le chahut dans les branches, et d’un peu d’eau pour qu’un chancre s’y incruste. Pour les bactéries, l’aération des rameaux est un facteur important pour éviter leur arrivée et leur prolifération.

En taillant l’arbre, on veille ainsi à établir un port qui remplissent ces objectifs prophylactiques : ne garder que quelques charpentières prometteuses, supprimer les branches qui repartent vers l’intérieur de l’arbre. Par ailleurs, l’élimination des rameaux morts évitera d’héberger de microscopiques indésirables sur l’arbre, d’alléger les branches et de favoriser la croissance de nouveaux branchages.

dragonnage amélanchier

3. Prévenir la dispersion des maladies dans tout le verger

En permaculture, pour tenir l’objectif « 0 intrants », on entend souvent parler du « chop and drop ». C’est-à-dire le couchage des branchages coupées, directement sur la zone de culture, en vert. Mais aussi on voit parfois des annonces : « permaculteur recherche déchets verts tout venant pour compostage et paillage en vert ». À notre humble avis, c’est là s’adonner à une loterie très incertaine et dangereuse. En clair, c’est le meilleur moyen de disperser des maladies fongiques ou bactériennes en toute innocence. Le « chop and drop », ou le paillage en vert est évidemment un lieu commun de l’agroécologie, mais il faut rester un tant soit peu maître des processus pour s’éviter de mauvaises surprises. 

Petite remarque qui a son importance : la culture de variétés adaptées au climat et au sol de votre région amenuise considérablement le risque sanitaire. Le tout étant d’avoir à la clé une récolte elle-aussi cohérente avec votre projet. Il y a là un compromis à trouver.

Donc le geste indispensable à ce stade, c’est de retirer les coupes de taille dès lors que l’on a un doute sur l’état de santé du rameau.

Par ailleurs, il convient de respecter certaines règles élémentaires d’hygiène à savoir : laver le plus systématiquement vos instruments de taille (sécateur, scie, élagueur). Il est primordiale de nettoyer soigneusement les lames qui entrent en contact avec le bois. Les pathogènes, qu’ils soient bactériens ou cryptogames (fongiques), sont très facilement exportables d’un arbre à l’autre si l’on ne prend pas ces précautions. Le vent lui-même peut ainsi disperser les spores très volatiles de certains champignons, libérés au printemps après avoir hiberné dans le bois mort au pied des arbres (d’où l’intérêt, encore une fois, de retirer ces bois morts et de les brûler).

4. Guérir un arbre en extirpant les rameaux atteints ou en curant les parties infectées

Lorsqu’une branche est atteinte de chancre, le protocole est le suivant : on observe tout d’abord l’arbre ou le plant en entier. Si le chancre est présent à un niveau inférieur on coupera en dessous du point le plus bas. Après avoir coupé le rameau malade, il faut observer la section : le bois est-il sain, vert et sans trace brune à l’intérieur ? Si ce n’est pas le cas, c’est que le chancre court sous l’écorce et l’on procédera à une nouvelle coupe un peu plus bas (en prenant en compte, tant qu’à faire, la disposition des bourgeons qui recevront l’afflux de sève et qui seront moteurs dans le redémarrage du rameau). Il faudra répéter l’opération tant que l’on n’aura pas un bois exempt de micro tâche brunâtre. 

taille chancre abricotier

Enfin, lavez à nouveau votre sécateur et répétez une dernière fois l’opération afin de n’avoir ni chancre, ni trace de chancre déposée par votre lame.

Dans certains cas de figure, lorsqu’une branche ou même un tronc est attaqué par un chancre, l’on peut opter pour une tentative de sauvetage. Au lieu de couper court à la maladie (et à l’arbre…), l’on peut essayer d’extirper le chancre au couteau à greffe. Il faut alors prendre soin de récupérer les copeaux infectés. Pour ce faire on peut utiliser par exemple un tissu déployé au pied de l’arbre. Si tel n’est pas le cas, les chancres auront loisir de tenter une nouvelle escalade ou de passer à un autre arbre.

Après toute intervention sur branche saine, badigeonner la plaie avec du goudron de Norvège pour sceller. Après une opération de curetage ou de coupe de rameau chancré, il est indispensable d’appliquer soit de la bouillie bordelaise par vaporisation, et après séchage, du goudron. Soit confectionner une mixture à base de cuivre et d’huile végétale à appliquer sur la plaie.

abricotier chancré
Abricotier chancré
Curetage du chancre

Conclusion

Tous ces aspects sont présents simultanément à l’esprit de l’arboriculteur. À tous ces avantages de la taille, on pourrait rajouter : obtenir du matériel de reproduction en vue de bouturages ou de greffes des espèces cultivées. Certes, mais seulement sur les arbres sains ! Proscrire toute tentative de reproduction à base de rameaux supprimés sur des plants infectés. Je sais, cela fait parfois de la peine de voir une belle branche disparaître, surtout que l’extrémité paraît saine, mais il ne faut pas tenter le diable. Mieux vaut prendre patience et laisser grandir le verger que de vouloir reproduire à tort et à travers des plants douteux.

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