Vous en avez peut-être déjà vu mais vous vous demandez encore s’il s’agit d’un fossile sur une pierre ou d’une gale sur une plante ? Décidément, le champ des possibles semble vaste et oscille du minéral au végétal : insolite ! On les rencontre souvent dans les interstices de nos murgers mais aussi, comme c’est le cas au verger, directement collés sur les tiges de nos petits fruits comme les groseilliers et les cassissiers. Pour ma part, j’avais découvert de quoi il s’agissait par le biais accidentel d’une expérience. Passionné d’entomologie (l’étude des insectes) à l’adolescence, j’avais installé dans ma chambre un vivarium dans lequel j’introduisais tantôt une petite colonie de fourmis, tantôt une chenille. Mais l’insecte qui me fascinait le plus, c’était la mante religieuse. J’en capturai bien vite une et la plaçai dans mon vivarium, affublée d’une tripoté de sauterelles. Je passais des heures à l’observer, scrutant ses tactiques de chasse et la grâce avec laquelle elle se déplaçait et se perchait tout contre une branche se fondant avec son environnement. Et parfois je la taquinais avec une brindille pour admirer ses deux yeux blancs à l’intérieur de ses membres antérieures, qu’elle ouvrait en se hérissant dans sa position de défense.
À force de manger les malheureuses sauterelles qui tombaient préalablement dans mon escarcelle, il me semblait qu’elle devenait de plus en plus grosse. Jusqu’au jour où, revenant du collège, je la découvris tout amaigrie. Sur une branche, je trouvai la fameuse excroissance oblongue, couleur sable. Ma mante religieuse était une femelle et elle venait de pondre ! Ce qu’on appelle l’oothèque. Sorte de mousse polyuréthane qui durcit au contact de l’air et protège les oeufs jusqu’au printemps.
Depuis lors, je revis ce plaisir expérimental et contemplatif chaque fois que, par bonheur, je découvre au verger ces pontes de mante. Et Dieu sait s’il y en a ! Pas un jour sans que l’on en découvre de nouvelle. La mante religieuse est une alliée des plus précieuses dans les vergers. Prédateurs hors pair, elle est comme une sentinelle sur nos petits plants, livrant une chasse impitoyable aux ravageurs de son goût.
Maintenant, allez jeter un coup d’œil sous le tas de bois, dans les murs de pierre sèche ou dans les haies : avec un peu de chance, la relève couve ! Alors prenons en soin…